Doit-on couper l’éclairage public la nuit ? Nombreuses sont les collectivités à se poser la question sans oser franchir le pas.
Couper l’éclairage public pendant la nuit ? Une idée pas si saugrenue que cela ! Revenons à sa fonction première. C’est un service fourni par la commune aux usagers de l’espace public. Est-il obligatoire ? Assurément non, aucune réglementation ne le prescrit. A quoi sert-il ? Il facilite les déplacements et les activités, par définition, de nuit. Cependant, force est de constater que dès la fin de soirée, l’activité humaine dans les rues diminue très vite et devient quasi inexistante. Pourquoi donc continuer d’éclairer ? D’autant plus qu’un éclairage non maîtrisé a un impact négatif sur la biodiversité et perturbe les écosystèmes (« Éclairage public et biodiversité : comprendre pour mieux agir » retrouvez la synthèse de la conférence organisée sur ce sujet par le SICECO en cliquant ici).
L’extinction des feux la nuit permet donc tout à la fois de préserver l’environnement, en réduisant les nuisances lumineuses pour la faune, la flore et ne l’oublions pas les riverains, et de diminuer la facture énergétique. 2 millions d’euros, c’est l’économie annuelle estimée des 483 communes adhérentes au SICECO pratiquant des extinctions totales ou partielles. Les communes qui ne coupent pas encore, soit un tiers des adhérents, pourraient, quant à elles, économiser 1,6 million d’euros. Il est également important de signaler l’initiative récente de 4 communes consistant à désactiver totalement l’éclairage public pendant les 4 mois de la période estivale.
Toujours pas convaincu ? Regards croisés de quatre communes qui ont franchi le pas ou qui s’apprêtent à le faire.
Alain Becquet, Maire de Seurre, 2 348 habitants – Lauréate en 2011 du prix « Villes et Villages étoilés »
« En matière de coupure nocturne, nous pouvons affirmer que notre commune de par sa taille est pionnière. En effet, dès 2010, nous avons fait appel au SICECO pour installer des horloges astronomiques dans les coffrets de commande d’éclairage public de la ville afin de programmer les extinctions nocturnes. À l’époque, je me souviens, rares étaient les communes, surtout d’une taille équivalente à la nôtre, ayant misé sur la coupure nocturne. L’équipe municipale alors en place était notamment très préoccupée par la réaction des riverains. Mais au final, la population l’a plutôt bien acceptée. Nous avons communiqué sur le sujet dans notre bulletin municipal en mettant en avant les économies escomptées et la nécessité de préserver la biodiversité. Aujourd’hui ce n’est plus un sujet qui fait débat, l’insécurité la nuit a même baissé de 20 %. Et côté économies, c’est environ 11 000 € chaque année en moins sur la facture. »
Jacques-François Coiquil, Maire d’Auxonne, 7 694 habitants
« L’extinction nocturne de l’éclairage public d’Auxonne était une évidence et ce, pour plusieurs raisons.
La promesse d’économies d’énergie (quasi 50 % de la facture d’électricité) est séduisante, et plus particulièrement dans le contexte actuel de flambée des prix. Autre argument favorable, les bienfaits pour les habitants : la sécurité routière est renforcée grâce à un ralentissement naturel des automobilistes dans une traversée sans lumière. Sans oublier, bien sûr, la préservation du ciel nocturne, sans pollution lumineuse et la place laissée aux espèces animales nocturnes. Argument qui a achevé de nous convaincre.
Pour la mise en place de cette coupure, nous avons procédé par étapes. D’abord, nous avons créé un groupe de réflexion avec des élus et les techniciens de la ville, élargi ensuite à l’ensemble du conseil municipal. Notre démarche s’est ensuite prolongée en concertation avec les services s’occupant du fonctionnement des éclairages pour connaître les possibilités des horaires de coupure, les points lumineux que l’on pouvait éteindre et ceux que l’on devait laisser fonctionner… . Par la suite, nous avons informé les habitants de notre démarche via les réseaux sociaux, le journal de la ville, les panneaux informatifs mais aussi en échangeant directement avec eux. Nos arguments ont très vite été compris et acceptés. Sûrement parce que nous avons décidé une mise en place progressive des coupures, avec une phase d’essai à partir de juin 2021 qui s’est poursuivie jusqu’en décembre 2021, date à laquelle le conseil municipal a définitivement acté le dispositif. La prochaine étape ? Faire le point sur les améliorations à apporter avant de concrétiser définitivement le dispositif. En parallèle, nous restons toujours disponibles pour répondre aux questions des habitants.
Le dispositif étant récent, les retombées financières ne sont pas encore effectives mais nous pouvons espérer une économie de 20 000 € par an. En cas de coupure de l’ensemble des 1 387 points d’éclairage de notre commune, elle pourrait s’élever à près de 26 000 € par an. Ce qui nous laisse un large choix d’améliorations des installations et du réinvestissement de ces économies. Commencée en juin 2021, l’expérience est concluante car aucun désagrément dû à ce dispositif n’est à déplorer. Nous incitons réellement les communes à franchir le pas. »
Martial Mathiron, Maire de Genlis, 5 317 habitants
« Plusieurs arguments nous ont poussé à mettre en place la coupure nocturne. Économique. Un éclairage coupé, c’est un éclairage qui ne consomme pas. Écologique. Ce fonctionnement représente moins de nuisances pour la faune et la flore qui souffrent d’un éclairage artificiel permanent. Participatif. Les demandes des habitants sur ce sujet ont été nombreuses l’an passé.
Nous avons pu nous appuyer sur l’expertise du SICECO en la matière mais nous avons également interrogé les communes voisines pratiquant la coupure nocturne de leur éclairage. Convaincre l’équipe municipale et les habitants a été facile. Nous avons eu quelques réserves quant à la question de la sécurité mais la brigade de gendarmerie nous a rapidement rassurés. Dans la plupart des communes pratiquant la coupure nocturne, aucune augmentation des délits n’a été observée. Les effractions ont d’ailleurs lieu principalement en journée.
Nous avons communiqué auprès des habitants par le biais de notre mensuel municipal « Quoi de neuf ? ». Ils seront également invités à s’exprimer à l’issue de la phase de test que nous menons sur 1/3 des rues de la commune.
Si nous devions convaincre d’autres collectivités pour suivre ce chemin, nous leur dirions de penser à la bourse de leurs administrés, à la faune et à la flore et au fait que lumière ne rime pas toujours avec sécurité. Qui laisse la lumière allumée chez lui dans un couloir parce qu’il aura peut-être l’occasion de l’emprunter durant la nuit ? Personne. Pourquoi une commune le ferait-elle ? »
Thierry Darphin, Maire d’Is-sur-Tille, 4 462 habitants
« Le sujet de la coupure nocturne a été abordé il y a quelques années auprès des élus mais la récente flambée des prix de l’énergie et l’impact de la pollution lumineuse sur la faune et la flore ont fini de nous convaincre sur la nécessité de sa mise en place. Après en avoir discuté lors du conseil municipal, nous avons décidé de consulter la population en octobre dernier grâce à un sondage en ligne. Plus de 70 % des sondés ont répondu favorablement à l’extinction de l’éclairage public.
A partir du 31 janvier, nous allons nous lancer dans une phase d’expérimentation. Pendant un an, l’éclairage public sera coupé de 00h30 à 4h30. Nous espérons réaliser une économie de 17 000 €.
Pour finir de convaincre les plus récalcitrants, je dirais que l’éclairage public doit être un élément de confort et de sécurité seulement quand il y a du monde dans les rues. Il n’est pas utile quand les rues sont désertes. »
Ainsi donc, couper son éclairage public est donc une idée lumineuse en tout point. Et si, sur le territoire du SICECO, on se lançait le challenge de tous le faire ? Cela conduit à s’interroger sur l’évolution des moyens matériels mis en œuvre pour apporter ce service sur une période très réduite en début de soirée… . Le SICECO conduira cette réflexion en 2022, préparant également le renouvellement du marché de travaux- exploitation début 2023.